top of page
Rechercher

CHET BAKER, le King du Cool Jazz

  • Photo du rédacteur: JIM
    JIM
  • 2 sept.
  • 5 min de lecture
CHET BAKER
CHET BAKER


Le talent d'un ange, rattrapé par ses démons


"Il me semble que la plupart des gens ne sont impressionnés que par trois choses : que tu saches jouer suffisamment vite, suffisamment aigu, et suffisamment fort. Je trouve cela un peu exaspérant." - Chet Baker


Chet Baker a toujours vécu à contre-courant. Avec un physique hollywoodien, il a décidé de devenir musicien, et de vivre sur les routes. Alors que le monde s’extasiait sur le jazz bebop rapide et rythmé, il a proposé un jazz, dont l’émotion et la couleur mélancolique semblaient ne pas correspondre à l’air du temps : le “cool jazz”. Alors que certains jazzmen comme Charlie Parker travaillaient sans relâche pour obtenir la technique la plus pointue et la plus virtuose, Baker préférait rejouer, inlassablement, les mêmes balades qu’il connaissait par coeur. C’est peut-être cette nonchalance, ce franc-jeu et cette sensibilité inaltérable qui ont fait le succès de ce musicien avide de voyages et d’aventure : sa vie tumultueuse, sa voix sensible et son timbre poignant à la trompette en on fait un mythe du jazz, et un véritable “Prince of cool” pour son public.


Baker et son rôle dans le “Cool Jazz”


Chet Baker grandit en Californie et, après un bref  passage dans l’armée, il débute sa carrière en tant que musicien professionnel à San Francisco. En 1952, Charlie Parker, le grand saxophoniste bebop, le choisit comme membre de son groupe pour une série de concerts sur la côte ouest. Parker appréciait le contraste entre le style de jeu détendu de Baker, et ses propres lignes rapides et énergiques bebop au saxophone. Plus tard, le nom de Baker s’associe intimement  au « cool jazz », un genre californien caractérisé par sa décontraction et son esthétique. Baker incarne notamment ce style dans son travail au sein du quartet Gerry Mulligan, avec lequel il publie des enregistrements de standards tels que ‘My Funny Valentine’. Ces derniers présentent les caractéristiques typiques du genre : Baker et Mulligan jouent des lignes mélodiques en contrepoint, sans qu’aucun instrument d’accord (comme une guitare, ou un piano) ne vienne fournir d’accompagnement. Le genre a été parfois jugé trop  intellectuel : mais le duo Baker Mulligan faisait toujours preuve d’une certaine désinvolture et d’une certaine légèreté, comme dans des titres tels que « Frenesi ».


Baker : un musicien et ses limites


Il n’est pas tout à fait faux de dire que le jeu de Chet Baker avait ses limites. Certains historiens du jazz comme Ted Gioia ont critiqué sa tessiture étroite, sa technique moyenne et son intérêt limité pour la composition. Mais si les critiques et les historiens n’étaient pas toujours satisfaits de sa technique, le public, lui, semblait ne pas en souffrir : il le nomma  vainqueur du “Musicien Down Beat de l’année” en 1953 et en 1954. Manifestement, Baker compensait son manque de technique par d’autres qualités : il jouait avec une extrême sensibilité et une grande subtilité, et ses lignes improvisées au caractère poignant savaient toucher ses auditeurs. Par exemple, son utilisation de la mélodie et son respect du silence sur le standard « Alone Together » crée une belle atmosphère mélancolique, parfaitement caractéristique de ce qu’on peut appeler le « son » Baker. Ses performances vocales montrent à la fois une grande assurance, et une capacité à provoquer l’émotion pour chaque chanson. Ses choix de morceaux n’étaient pas très innovants: il se plaisait à chanter toujours les mêmes standards. Mais c’est ainsi qu’il parvenait à tisser un lien profond avec les titres, en les interprétant dans son propres style.


Baker : une personnalité hors du commun


Grâce à son apparence photogénique, Baker a eu l’occasion de tourner dans un premier film hollywoodien, ‘Hell’s Horizon’, en 1955. Il refuse ensuite les offres des studios, préférant vivre sur la route en tant que musicien. Il voyage en Amérique et en Europe pour une grande partie des années 50 et 60. C’est au milieu des années 50 que Baker cultive son addiction à l’héroïne : divers démêlés avec la justice, dont un an et demi de prison en Italie, en seront la conséquence. En 1966, c’est aussi en se battant avec un gang de dealers que Baker perd une partie de ses dents. Les récits varient quant à ce qui s’est vraiment passé, mais le fait est que Baker, la mâchoire brisée, dit avoir enduré des années de rééducation avant de pouvoir jouer de la trompette à nouveau. Baker a-t-il adapté la vérité pour la faire correspondre à son mythe personnel, comme le suggère le biographe Jeroen de Valk ? Certains enregistrements nous indiquent qu’il aurait fait son grand retour dans une série de concerts à New York, seulement quelques mois plus tard, équipé d’une prothèse dentaire.


Baker et la drogue


La consommation de drogue de Baker a eu un impact indéniable sur son jeu et sa carrière. Son addiction l’obligeait à trouver constamment de nouvelles sources de revenus, et il était capable d’enregistrer des albums à la chaîne pour gagner plus d’argent. Il en résulte des albums aux niveaux très disparates : au meilleur de sa forme, Baker pouvait rivaliser avec n’importe lequel de ses contemporains (écoutez-le par exemple dans «Jazz at Ann Arbor»), mais la nécessité de produire des enregistrements en permanence et sa mauvaise condition physique ont aussi conduit à des enregistrements quelque peu dépourvus d’inspiration, et franchement en-dessous de ses capacités. Faut-il en conclure que la toxicomanie de Baker a influencé son style à la trompette? Il est impossible de le certifier, mais on peut certainement affirmer que Baker jouait de manière plus sereine et déliée avant d’être initié à l’héroïne. Baker a continué à consommer de la drogue tout au long de sa vie, le faisant paraître quelque peu hagard dans ses prises de vue publicitaires. Sa mort à Amsterdam, en 1988, est elle aussi liée à sa toxicomanie..


L’influence de Baker


Baker a eu une véritable influence, à la fois sur son public et sur ses collègues musiciens. Sorte “d’icône culturelle” dans les années 50, il fut surnommé le « Prince of cool » en raison de son rôle dans le développement du Cool Jazz. Sa vie sur la route, sa toxicomanie et ses demêlés avec la loi ont contribué à faire de lui une figure légendaire du jazz. Son esthétique cool, sa clarté d’expression et sa subtilité de jeu ont influencé par la suite des générations entières de musiciens, et notamment les adeptes du jazz modal de la fin des années 50 et ceux de la fusion dans les années 1970-1980. Il a également figuré sur la chanson ‘Ship Building’ d’Elvis Costello en 1983, qui a permis à toute une nouvelle génération d’auditeurs de découvrir sa musique.


Recommendations d’albums

Chet (1958) démontre les talents d’improvisation à la trompette de Baker. L’album contient des interprétations de morceaux cultes comme « Alone together » et « September song », avec les magnifiques performances d’Herbie Mann (flute) et Pepper Adams (Saxophone Baryton).

Chet is Back (1962) fut l’album de Chet Baker après son séjour en prison et contient des morceaux énergétiques, orientés bepop comme « Well you needn’t’ ».


 
 
 

Commentaires


bottom of page